"Les Français libres"
          Qui sont les Français libres ? Des patriotes qui ont rejoint de Gaulle pour combattre, certains dès le 19 juin 1940, d’autres dans les mois qui suivirent, avec comme date limite pour pouvoir revendiquer le titre de «Français libre», le 31 juillet 1943. C’est une idée opportune d’avoir choisi leur histoire pour le concours 2004, soixantième anniversaire de l’année 1944, date où, après avoir déjà combattu sur tant de théâtres d’opérations, ils eurent la joie, et la récompense suprême, de débarquer en France et de participer à la libération du territoire national. L’histoire des Français libres est une épopée. Les premiers regroupés à Londres étaient, soit des militaires de la division alpine revenue de Norvège, et ayant pris le parti de s’engager derrière le général de Gaulle, – aux premiers rangs desquels la prestigieuse 13e demi-brigade de la Légion étrangère –, soit de jeunes garçons qui, de Bretagne ou du pays Basque, avaient sauté les 18-20 juin dans des bateaux en partance pour l’Angleterre. D’autres ont rejoint plus tard, à tous risques, en traversant la Manche dans de petites embarcations, ou en passant par l’Espagne au prix d’une détention parfois longue dans les prisons franquistes. Puis, avec le ralliement à la France Libre du Cameroun et de l’Afrique équatoriale française durant l’été 1940, sous l’impulsion du gouverneur Eboué et de jeunes officiers résolus comme le capitaine Massu, nos rangs se sont étoffés.
          De 1940 à 1943, les Français libres en tant que tels ont combattu sur maints théâtres d’opérations : en Érythrée dès 1940, en Syrie en 1941, puis dans le désert libyen où ils se sont couverts de gloire à Bir Hakeim et à El-Alamein avec Koenig. Dans le même temps, Leclerc parti du Tchad se saisissait de Koufra avant de prendre tout le Fezzan et de rejoindre le Sud tunisien, faisant sa jonction avec les hommes de Koenig. Les Français libres de la marine, les FNFL ne furent pas moins actifs, participant aux périlleux convois de l’Atlantique Nord et coulant des sous-marins allemands. Nos aviateurs, les FAFL, furent au combat dès 1940, certains participant à la bataille d’Angleterre. L’aviation de chasse de la France Libre fut glorieuse et tout autant ses bombardiers qui pilonnaient chaque nuit les sites industriels en Allemagne.
          La 1re Division française libre, après ses exploits dans le désert libyen, s’illustrera durant la campagne d’Italie avant de débarquer en Provence, de remonter jusqu’en Alsace et de terminer la guerre sur la frontière des Alpes. Les hommes de Leclerc formant la 2e Division blindée, qui se renforça d’éléments de l’Armée d’Afrique, combattirent en Normandie et libérèrent Paris puis Strasbourg. Et nous pouvons témoigner de la joie de ces combattants devant la liesse de la population les accueillant sur le territoire de la patrie, et si heureux de recevoir dans leur progression le renfort des résistants des maquis. Il est dans notre histoire des moments brûlants. Les combats des Français libres libérant le territoire national en sont un exemple.
           Certes beaucoup d’entre nous sont tombés en route. On peut citer la 1re Division française libre avec quatorze chefs de corps tués à l’ennemi ; sur le sol russe les pilotes de Normandie-Niemen, dont un sur deux périt en combat aérien ; les onze navires de nos forces navales engloutis corps et biens en opérations. Ces lourds sacrifices sont le témoignage des combats menés par les Français libres qui n’ont jamais déposé les armes depuis le 18 juin 1940. Nous savons que ceux-là sont morts l’âme en paix car ils savaient à quoi ils s’engageaient en répondant à l’Appel du général de Gaulle : à combattre, et s’il le fallait, à mourir pour la Patrie.

Yves Guéna
 Président de la Fondation et de l’Institut Charles de Gaulle
 Vice-Président de la Fondation de la France Libre